L’Islam et la laïcité
Traduit par :
Rime
Jirari
La
possibilité de conciliation (Eclectisme).......... 12
La
signification de la laïcité et de la sécularité..... 16
La
relation de la laïcité et de la sécularité avec l’athéisme 22
La
réalité de l’Islam.......................................... 27
La
relation de la vie avec la religion en Islam
(le
domaine politique)....................................... 33
La
problématique de la raison en Islam.............. 40
Entre la
modernisation et la religion................... 47
La
réalité des régimes arabes et islamiques......... 55
La
minorité musulmane dans une société laïque (L’exemple de la France) 61
Manifester
l’Islam dans cette société................. 66
Entre
l’intégration et la préservation de
l’identité........................................................... 70
O
Introduction
Le sujet
de ‘l’Islam et la laïcité’ est parmi les thèmes qui ont préoccupé et continuent
de préoccuper plusieurs intéressés aussi bien par la réalité islamique, que par
les problématiques de la modernité, de la pensée contemporaine et de la
relation avec l’autre. Cet autre n’est ici que l’Occident qui a peur de la
prospérité des minorités musulmanes à son sein, et de la renaissance islamique
en général. Cet intérêt est apparu, surtout depuis que les musulmans sont
devenus -avec leur religion, leur histoire, leur culture, leur civilisation et
leurs problèmes- soupçonnés d’extrémisme et de terrorisme. C’est ainsi qu’ils
sont accusés d’être associés aux événements criminels du 11 septembre, et même
à ceux qui les ont précédés et suivis. De ce fait, et malgré leur faiblesse
actuelle, ils font peur aux plus forts.
Dans le
cadre de cet intérêt, l’Association « Espace de développement de la
coopération culturelle euro-méditerranéenne », a organisé un
colloque à Toulouse en France, les 28 et 29 avril 2003, pour débattre du même
sujet et pour échanger les points de vue concernant la réalité islamique à
laquelle la France accorde une grande importance, en la considérant parmi ses
problèmes d’actualité les plus prédominants et ses soucis sociaux les plus
capitaux.
J’ai reçu
du Président de cette Association, Monsieur Mimoun Houbaine, une cordiale
invitation à participer à cette rencontre, par une étude sous le titre général
qu’il m’a suggéré concernant « L’Islam et la Laïcité :
connaître l’Islam ». Puisque des engagements imprévus m’ont
malheureusement empêché d’y assister et de présenter un résumé sur le thème en
français, j’ai décidé de m’étaler sur la question à cause de son importance, en
élaborant une étude en arabe. C’est ce texte que je publie aujourd’hui, avec
une traduction complète en français et en anglais, effectuée par ma fille Rime,
comme une initiation pour qu’elle accomplisse d’autres travaux de version.
‘Allah
est garant de succès’
Rabat, le 10 Rabi I
1424(H), 12 mai 2003
Abbés Jirari
!!!
(Eclectisme)
Selon ce
qui a été dit et écrit sur ce sujet épineux de ‘l’islam et la laïcité’,
le contraste auquel ont abouti les points de vue divergents semble apparent.
Ils sont, en effet, divisés entre les détracteurs qui refusent d’en discuter,
étant donné que la laïcité est totalement opposés à l’Islam, et ceux qui n’y
voient pas de contradiction, à condition que l’Islam, en sa qualité de foi
individuelle et de préceptes religieux, reste exclusivement limité au cercle
religieux. Dans ce dernier cas, les affaires personnelles et publiques doivent être traitées séparément comme
l’indique la perception laïque.
En
réalité, ceci n’est pas la première fois que la pensée islamique -et je ne dis
pas l’Islam- est confrontée à une telle problématique l’exposant à une rude
épreuve, et aussi à une divergence dans les points de vue. Cette confrontation
découle du degré d’ouverture d’esprit de cette pensée, et de sa disponibilité à
échanger les avis. Elle résulte aussi, et ce depuis sa création, de la pratique de l’Ijtihad (ÇáÇÌÊåÇÏ)
(qui signifie l’étude assidue et l’interprétation approfondie de la loi divine)
et de son exposition à différents mouvements religieux et philosophiques,
chrétiens, juifs, mazdéens et gnostiques.
Pour
rester dans le domaine de la pensée, loin des conflits politiques et des
premiers différends sectaires qu’ont vécus les musulmans, je me limiterai à
noter la problématique de l’obligation et du choix soulevée par les théologiens
dogmatiques depuis le premier siècle de l’hégire (septième siècle AP. J-C), et
les tentatives de conciliation entre la religion et la philosophie, ou entre la
charia (ÇáÔÑíÚÉ)(la
loi divine) et la sagesse.
Ses deux
questions n’ont eu aucun impact ni sur le développement de la réalité sociale
islamique, ni sur la confrontation directe de ses problèmes, et surtout pas sur
le plan politique. Elles ont néanmoins démontré les capacités de ceux qui les
ont traitées, qui se sont penchés vers l’abstrait et l’au-delà, et qui ont
soulevé la question de la divinité, se limitant à l’expression indirecte de ses
problèmes, et peut être même les justifiant. Mon but en mentionnant ces deux
questions -comme j’aurais pu en mentionner beaucoup d’autres est de dévoiler le
degré de ressemblance apparente qu’elles ont avec le sujet de ‘l’Islam et la
laïcité’.
Ces débats
prouvent que la foi était capable de communiquer avec soi-même, malgré quelques
obstacles subjectifs. Ils démontrent également qu’elle était en contact
constant avec d’autres pensées, même celles qui lui étaient opposées ou
contradictoires, sans rejet catégorique menant à la coupure et à la fermeture
des portes du dialogue et de ses possibilités. Ils dévoilent aussi que la foi
des musulmans n’a jamais subi de déviation ou de recul, à cause de telles
discussions entamées par ses penseurs.
Au
contraire, la croyance islamique continua avec force, grâce à sa modération, sa
tolérance, son pacifisme, et malgré les troubles survenus à cause de certains
courants extrémistes, Le constant renouveau
qu’elle connaît aujourd’hui en est la meilleure évidence. Toujours
est-il que ses intellectuels, et ses théologiens surtout, ne doivent pas tomber
dans les précipices de l’exacerbation négative, à cause des conditions
actuelles. Ceci pourrait mener au désespoir, au recul, et à l’abandon devant
les défis qu’ils confrontent, alors qu’ils sont supposés les surmonter, armés
de connaissance, de sagesse et de raison, en convergeant les points de vue et
les positions, ou du moins en les rapprochant, prenant en considération les
intérêts suprêmes et les objectifs à long terme.
J’espère que cette introduction m’aidera à
mieux analyser la problématique de l’Islam et de la laïcité, en commençant à
prime abord par définir ces deux termes, afin de mieux en comprendre le sens et
de juger par la suite les éléments qui les unissent et ceux qui les séparent.
La « laïcité »
est un terme français dont l’origine latine « laicus »
et grecque « laikos », signifie l’appartenant au
peuple, c’est à dire au public ou aux masses, et non à une classe particulière,
à savoir le clergé.
Le fondement essentiel de la pensée laïque
consiste à séparer la religion de l’Etat qui doit garder une position neutre la
concernant, vu qu’il est considéré incapable de gérer son domaine. Cette règle
consiste également à éloigner l’église, qui représente la religion, des
responsabilités de l’Etat, à cause de son incapacité présumée à le faire. Cette
séparation n’était pas chose facile, pour le simple fait que le pouvoir
temporel -c’est à dire l’Etat- a sa perception particulière de la religion et
une volonté de la pratiquer. Il est de même pour le pouvoir spirituel –c’est à
dire la religion- qui a une vision de l’Etat et une ambition de la concrétiser.
Cependant, chacun des deux partis a mutuellement essayé de maintenir son
indépendance, loin de l’influence de l’autre. Ceci a créé de nombreux conflits
et plusieurs confrontations, à travers de longues périodes de l’histoire.
Ce
mouvement laïc est apparu pour la première fois en France au lendemain des
Guerres de Religion, à travers des discussions qui viraient vers une société où
règnent la pluralité, la fraternité, et
le penchant vers un libéralisme harmonisant le spirituel et le temporel. Elles
estimaient que n’importe quelle action qui touche à la vie, quelle que soit sa
séparation de l’aspect religieux, est nécessairement influencée par la conscience.
Le respect de l’Etat à la culture d’une société où règne la pluralité, exige la
considération de sa croyance qui est, aussi bien dans son aspect individuel que
social, une partie de cette culture et une de ses composantes essentielles. Cet
égard nécessite une sorte de coexistence basée sur l’acceptation de l’autre
avec tolérance. C’est sur cet élément que se sont basées les conventions
européennes et internationales sur les droits de l’Homme, confirmées par les
déclarations pontificales qui le reconnaissent et l’acceptent.
Proche du
terme «laïcité » qui était utilisé en France par les
catholiques, le terme «secularism » était répandu en
Angleterre parmi les protestants. Certains ont traduit ce terme en Arabe par «Al
Ilmania » ((ÇáÚáãÇäíÉ, croyant qu’il se rapporte à « Ilm » ( (Úáã(science), malgré cette formulation étrange. D’autres l’ont
traduit par « Al Almania » (ÇáÚáãÇäíÉ, considérant que les termes « secularism »
en anglais et « sécularité » en français signifient ‘le
monde et le temps’, de par leur origine latine «saeculum» qui
a le même sens. Ce terme aurait cependant dû être traduit de façon plus claire
et correcte par « addahria »
(
(ÇáÏåÑíÉqui
est un terme connu, ou par « addouniaouia » ( (ÇáÏäíæíÉou «azzamania »
( (ÇáÒãäíÉ qui signifient le monde et le temps.
Quel que
soit ce rapprochement qui a mené à mélanger les deux termes dans plusieurs
esprits,1 la laïcité a commencé comme un
mouvement politique qui a pour but de rejeter l’hégémonie que l’Église
avait sur le pouvoir et la politique tout au long du Moyen Age. Il visait
également à consolider avec force son autorité et à imposer sa puissance et son
contrôle, du fait que ce dernier point est une motivation humaine. Ce mouvement
est apparu vers la moitié du dix-septième siècle, suite à la fin des Guerres de
Religion et à l’appel à l’Etat Nation. Il se renforça au dix-huitième et
dix-neuvième siècles, après avoir été influencé par ce à quoi avaient appelé
quelques dirigeants et certains philosophes.
Malgré
quelques différences claires les deux mouvements -laïc et séculaire- ont failli
aboutir à un seul, au point de ne pas pouvoir faire de différence entre les
deux, comme je viens de l’expliquer,. La laïcité se distingue, en effet, par la
séparation entre l’Etat et la religion, car celle-ci doit rester un élément
personnel qui ne concerne aucunement la gestion de la société. Elle se
concrétise également par l’apparition d’une vision de la vie qui se base sur
l’expérience humaine et les valeurs qui en résultent, sans considération
spirituelle aucune, quel que soit son degré d’existence dans cette société.
Par
contre, la sécularité s’associe à l’apparition d’une nouvelle conscience de la
vie qui ne semble pas loin de ce à quoi a appelé la laïcité. En effet, cette
dernière cristallise une nouvelle perception qui n’a pas manqué de créer un
esprit de changement novateur qui s’est notamment développé dans des aspects
économiques, sociaux, culturels, scientifiques, et créateurs. Cette perception
se base sur la raison et sur le concret, avec un éloignement ou une négation de
tout ce qui est abstrait, si ce n’est de tout ce qui est sacré, en tenant à
libérer la connaissance de l’emprise des concepts absolus.
Cet esprit
« novateur » et « moderne »
a eu, dans le temps, un effet très important quant aux affaires de la
vie, même si ce fut au dépend de l’intérêt donné aux questions religieuses. Ces
dernières se sont retrouvées obligées de s’éclipser pour donner libre cours à
cette orientation de la vie qui s’est libérée
de l'autorité de l’Église, devenant ainsi la référence et l’élément
actif dans la vie en général.
!!!
Par cette perspective purement matérialiste qui a
régné en Europe, la vie de la personne et de la société, aussi bien que leurs
comportements et leurs relations avec soi et avec l’autre, sont devenus indépendants de l’élément religieux. C’est
ainsi que ce comportement s’est manifesté par une dégradation dans les
différents sujets et positions que la religion ordonne de suivre ou d’éviter,
ainsi qu’aux principes et valeurs touchant la vie auxquels elle appelle, qu’ils
soient politiques, économiques, sociaux ou autres. L’individu s’est ainsi
retrouvé capable de se comporter de son plein gré, en toute liberté et selon
son intérêt, en s’éloignant de l’influence de tout organisme ou établissement à
caractère religieux. Certaines exagérations n’ont pas manqué d’apparaître,
allant même jusqu'à diviniser la personne humaine et la considérant comme la
référence et l’arbitre, par excellence.
Ce
mouvement insiste effectivement sur l’adultisme de la personne et sa
liberté, en éliminant de sa vie, de ses
pensées et de son comportement toute influence par la religion et ses organes.
Néanmoins, il aspire à la séparation entre deux mondes: le monde de Dieu, et le
monde de la vie, considérant que la personne ne peut pas suivre les deux en
même temps. Ce qui incite à lui ôter son sens religieux en la rendant capable
de l’éliminer de sa vie. Toutefois, l’histoire des sociétés, depuis la création,
a démontré que cette attitude est impossible, car elle est contre la nature
humaine, les émotions perçues par les sens intérieurs, et les sentiments
instinctifs vis-à-vis de l’univers et des phénomènes obscurs2.
Ainsi, même si ce mouvement ne refuse pas catégoriquement la religion, il appelle à créer une société
civile avec différentes croyances, où la religion devient un choix individuel.
Cependant, quand il se développe en une secte qui impose que la vie dans une société
donnée y adhère, il ne manque pas de se transformer en une foi très proche de
la religion, par l’obéissance, l’adhérence, la pratique, et la croyance totale
qui ne peut être ni niée ni rejetée. Il se pourrait même que ses adhérents
aient recours au despotisme, à
l’oppression et à la tyrannie afin d’atteindre leurs objectifs.
De là, le
sécularité est proche de l’athéisme si elle
n’en est pas synonyme. Ceci n’est pas le cas pour la laïcité à cause de
la nature de ces deux courants concernés. En effet, l’athéisme appelle à nier
totalement la Divinité, à diviniser des
créatures, ou à rejeter l’unité de Dieu en lui associant d’autres divinités.
Même si
l’athéisme a pris différentes formes depuis le commencement de la vie humaine,
il a tout de même connu un développement apparent, suite au conflit de certains
scientifiques et philosophes européens avec l’Église depuis le
dix-huitième siècle. Quant à la laïcité, elle a pour objectif, comme je viens
de l’expliquer, de séparer la religion
de la vie, en se basant peut-être sur les religions juive et chrétienne. C’est
particulièrement le cas de cette dernière, car Jesus-Christ avait mentionné la
séparation entre le domaine du spirituel et celui du temporel à travers la
célèbre citation qui lui est attribuée: ‘ Donnez à César ce qui est à César, et donnez à Dieu ce qui est
à Dieu’.
Par son
éloignement de cet aspect, et parallèlement à la dureté qu’elle a exercée,
l’hégémonie de l’Église est probablement parmi les raisons qui ont mené
à se soulever et à se révolter contre elle. Les valeurs positives qui se sont
associées aux deux mouvements respectifs, telles que le rationalisme, la
liberté, la démocratie, et les droits de l’Homme s’ajoutent à ce développement
élaboré à travers des sciences, comme la politique, le droit et la philosophie.
C’est ainsi
que la laïcité et la sécularité sont apparues et se sont développées en Europe,
influencées par des conditions historiques, religieuses, intellectuelles et
sociales particulières. Cependant, elles n’ont pas tardé à trouver quelque écho
dans le monde arabe et islamique, en s’infiltrant à travers des idéologies
importées ayant pris différentes formes, comme le libéralisme, et le
socialisme, ou des mouvements intellectuels comme la modernité. Tout au long du vingtième siècle, elles ont
trouvé dans ce monde un terrain propice,
à cause de son sous-développement et de ses conditions critiques,
auxquelles s’ajoute la conjoncture actuelle que subissent les musulmans
injustement et hostilement accusés d’extrémisme et de terrorisme.
Quant à
l’Islam, nul n’ignore qu’il est la religion pour laquelle Dieu à envoyé son
Prophète Sidna Mohammed – prière et paix sur lui- en faisant d’elle la
dernière religion et Ses derniers mots pour montrer à l’humanité le chemin du
Salut. En effet, l’Islam consiste en une foi qui appelle au monothéisme absolu,
à la croyance, et à l’accomplissement de cultes et d’obligations religieuses.
De même, l’Islam inclut une loi divine qui définit le système que doit suivre
l’individu et la société, dans les différents secteurs politiques, économiques,
sociaux, éducatifs et scientifiques. Cette loi se base sur des valeurs
interdisant les péchés, les transgressions, les sacrilèges et tout ce qui
conduit à l’iniquité, au vice, à l’injustice et à la perversion; tout en incitant
au bien, à la vertu, et à tout ce qui mènent à la liberté, à la justice, à
l’égalité et à la dignité.
Par voie de conséquence, l’Islam est une religion
intégrée et globale, se caractérisant par la tolérance, la facilité et la
flexibilité. De ce fait, l’Islam est un message à toute l’humanité, valable en
tout temps et en tout lieu. C’est ainsi que l’Islam accepte la coexistence et
la connaissance mutuelle, dans le but de concrétiser le bonheur des êtres
humains sur terre, et de les préparer au bonheur éternel de l’au-delà.
Cette dimension ne se conçoit qu’avec le changement
que Dieu a fait parmi ses lois dans l’univers. A cet égard, Dieu a permis à
l’homme de modifier tout ce qui n’est pas ferme et constant, l’encourageant
dans une perspective d’avenir perpétuellement novatrice, et refusant le suivi
aveugle de l’ancien et la persistance obstinée à se limiter uniquement à ce que
les ancêtres faisaient. Cet aspect ne s’accomplit qu’avec l’engagement à ce qui
convient à l’être humain, à son entourage et à son ère.
Retenons ici qu’il n’en demeure pas moins que l’Islam
distingue dans ce changement entre ce qui est une reforme à renforcer et à
continuer, et ce qui est une corruption à combattre et à éloigner. Cette
distinction se réalise à travers la pensé
raisonnable, la capacité scientifique, la bonne volonté, la conscience saine,
et la possibilité de prendre la responsabilité de façon honnête et sincère.
Le Saint
Coran, qui est la première référence islamique, a clairement indiqué la voie
vers tout cela, consolidé par la « Sunna » (ÇáÓøäÉ).
Cette dernière consiste en l’ensemble des paroles, des actions, et des
décisions du Prophète Sidna Mohammed, par la révélation divine, comme
par sa jurisprudence dans les nouveautés se liant à la réalité de la vie. Ceci
fut le modèle qu’ont suivi les Califes orthodoxes les « koulafa »
(ÇáÎáÝÇÁ)et les théologiens « oulamas » (ÇáÚáãÇÁ)des premiers siècles de l’Islam, avant que la
pensée islamique en général, et plus particulièrement le « fikh »(ÇáÝÞå), ne deviennent stagnants.
Si
j’insiste à attirer l’attention sur cet aspect stagnant de la marche islamique,
c’est à cause de ma conviction que beaucoup de maux dont souffrent les
musulmans aujourd’hui, que se soit dans leurs relations avec eux-mêmes ou avec
les autres, sont dus à la négation de
cet élément au manque de volonté pour le confronter. Ceci pousse à accuser
l’Islam d’être incapable, de répondre aux besoins changeants de la vie et à
l’innovation qu’ils exigent, et conduit
ainsi à la recherche de ce qui facilite le renouveau, dans des doctrines et des
théories qui veulent souvent substituer l’Islam, se cachant derrière une
tentative d’adaptation.
Loin de
tout mouvement particulier, et dans le but de relever l’essentiel des points
d’accord et de différence entre l’Islam et la laïcité, je ne présenterai pas
dans cette étude, une comparaison entre la religion divine et une secte
humaine, car ceci est une chose que je considère impossible et inacceptable. Je
me limiterai plutôt à attirer l’attention sur certaines dimensions touchant ce
sujet, notamment celle qui incite à la révision de soi-même, à se redonner
confiance en soi, en toutes les constituantes de son identité en général, et
plus particulièrement en la religion aboutissant indiscutablement à la tranquillité.
Je
souhaiterai, à ce propos, confirmer que je n’entends pas la recherche, dans
n’importe quelle situation, d’une concordance entre l’Islam et la laïcité dans
le but de réaliser un alignement des musulmans et des laïcs par des équilibres
artificiels, parce que l’Islam, de part ses principes constants, ses valeurs
solides et son approche globale, rejette ce genre d’action éclectique, surtout
sur ce qui est précisé et limité par le Saint Coran. En effet, le musulman ne
peut pas avoir la foi en certaines parties du Coran et en rejeter d’autres, car
cela sera puni par la malédiction dans la vie et par le châtiment éternel dans
l’au-delà.
Il va sans
dire que l’Islam, de part la nature de ses principes et de ses préceptes, ne
s’oppose à aucun mouvement de développement, de réforme, de modernisation et
d’illumination, tout en usant de son droit à avoir sa perception particulière
qui n’est nullement gênée par l’existence d’autres points de vue qu’il partage
ou non.
Je ne voudrai en aucun cas que cette première approche
soit interprétée comme étant une incitation à « islamiser » la
laïcité, en lui infiltrant l’Islam ; ou comme une inspiration aux
musulmans pour adopter la laïcité en la leur infiltrant. Je rappellerai aussi
ce que je viens de mentionner concernant la laïcité et l’Islam qui est intimement lié à la vie naturelle,
saine et pleine de bon sens, même dans ses ordres impératifs et prohibitifs.
Aussi, l’Islam honore la personne humaine en lui octroyant une place qui
dépasse la simple guidance ou l’obtention de ses droits.
Prenant tout ceci en considération, je m’arrêterai
maintenant sur des questions qui
nécessitent l’examen minutieux et la réflexion approfondie pour ce qu’elles
peuvent enclencher, surtout quand elles
sont perçues du point de vue d’autres mouvements comme la laïcité. Ainsi, je propose de me
limiter dans cette étude à deux de ces questions, à savoir : la relation
de la religion avec la vie; et sa position concernant l’arbitrage de la raison
et de la science.
Je
commencerai par la question de la religion dans sa relation avec la vie, et
particulièrement avec la politique.
La laïcité
se base sur leur séparation, parce qu’elle ne
refuse pas catégoriquement la religion, mais la considère plutôt comme
un choix personnel qui ne concerne que l’individu et ne le dépasse point. Dans
cette perspective laïque, la religion ne
doit pas outrepasser la personne pour
englober la société.
Ceci est
contraire au point de vue de l’Islam qui refuse cette forme de séparation,
puisqu’il harmonise parfaitement l’individu avec la société, tout comme la réalité de la vie et
l’idéalisme des valeurs. Ce faisant, l’islam s’intéresse aux affaires du monde
en les associant à celles de la religion. Il considère en outre que si ses
dernières sont dirigées par les commandements religieux, les premières restent
liées aux décisions et aux connaissances humaines, tant qu’elles ne
contredisent pas les principes émanant de la source religieuse.
Aussi, l’Islam
tolère la pluralité des religions dans sa société. Il va même jusqu’à y
permettre aux autres religions le libre culte, ne leur imposant aucune
contrainte, tant que chacun a sa religion et respecte celle de l’autre. La foi
ou l’impiété sont laissées à la volonté de la personne. L’Islam protége cet
aspect pluraliste par des principes et des règles considérant les non-musulmans
ou les gens du Livre « Ahlou Dimma » (Ãåá ÇáÐãÉ), c’est à dire ceux qui
jouissent de la protection, en étant sous
la responsabilité de l’Etat Islamique leur octroyant les bénéfices d’une
situation particulière. Je reviendrai à la fin de cette étude sur la situation
des minorités musulmanes dans les pays occidentaux, prenant pour exemple la
France.
Quand les
affaires de la vie concernent la politique, l’Islam estime que le lien entre
celle-ci et la religion se base sur des piliers auxquels le Saint Coran et la
« Sunna » (ÇáÓäÉ) ont
appelé et à travers lesquelles la justice et l’égalité se réalisent, évitant le
despotisme et la tyrannie. Parmi ces préceptes vient celui de la « Baїâ »(ÇáÈíÚÉ) qui
est une reconnaissance légale et un pacte mutuellement obligeant entre le gouvernant
et la « Oumma » (ÇáÃãÉ),
c’est à dire la nation. Il est de même pour la «Choura »(ÇáÔæÑì),
qui veut dire consulter et demander conseil, pour laquelle les musulmans
peuvent -ou plutôt se doivent- de chercher constamment de nouvelles méthodes et
formules qui conviennent aux développements de la vie. C’est ainsi que la «Choura »
peut s’accorder avec la démocratie, considérant les divers aspects et les
différentes formes de cette dernière.
Mis à part
ces deux principes de base, le reste est changeable, selon ce qui mènerait aux
objectifs susmentionnés. C’est notamment dans cet esprit que l’Islam refuse
l’existence de clergé représentant l’intermédiaire entre le croyant et son
Créateur. L’Islam refuse aussi que la gouvernance se procure une apparence céleste
de façon à ce qu’elle mène à un régime de droit divin absolu qui conduit à des
aspects sacrés et à l’immunité du dirigeant qu’il faut respecter de façon
aveugle et en toutes conditions, même si
il est un despote, pour la simple raison qu’il représente Dieu. Il est à
noter ici que ce refus ne se contredit pas avec l’obligation de gouverner par ce que Dieu a révélé.
Cette
signification ‘théocratique’ est contraire à l’Islam même si elle fut pratiquée
par certains dirigeants musulmans. Cependant, la conviction de la validité de
l’idée que la politique, dans ses différents domaines, peut se baser sur la loi
divine, exige sans doute de commencer par critiquer la réalité de cette
politique dans les sociétés islamiques. Cette critique doit être faite depuis les
premiers différends qu’ont connus les musulmans concernant le problème de la
« kilafa » (ÇáÎáÇÝÉ)(la
succession au Prophète), et qui ont déchiré leur unité et transmis une notion
de l’Etat faisant de la religion un outil dans les mains de cet Etat et non le
contraire. Ceci a attiré plusieurs ennuis aux musulmans et a permis à leurs
ennemis d’accuser l’Islam. Cette analyse nécessite la considération du contexte
historique et des causes l’influençant, pour pouvoir comprendre la marche des
musulmans dans sa réalité et les raisons de leur prospérité antérieure et de
leur déclin actuel. Il s’avère en effet que ces éléments clés sont purement
politiques même si, apparemment, ils semblent avoir une dimension religieuse.
L’observateur
de cette réalité ne tarde pas à conclure que les mêmes motifs politiques sont
toujours plausibles aujourd’hui. Ils le sont peut être de façon plus aiguë,
motivés par les intérêts, les objectifs instantanés, les mouvements politiques,
la nature des relations, et la logique
s’imposant dans les prises de position, sans prendre en considération la
cohérence ou non avec l’Islam. C’est ainsi que la réalité semble, dans la
plupart des cas, comme si son apparence, respectant les préceptes de l’Islam,
cache une autre facette contradictoire qui, dans la plupart des cas, n’a rien à
voir avec ses préceptes et avec les conditions distinctes nécessaires à un
système islamique sain.
Il y a
lieu de clarifier également que le côté de la vie dans l’islam est attaché
à des règles et à des préceptes liés à
leur tour à la réalité vécue par les musulmans dans une période historique
particulière, influencée par la politique, avec toutes ses déviations et ses
impacts négatifs. De là, ces règles et ces préceptes ne sont pas stagnants ou
rigides. Il est plutôt possible de les développer, dans les limites de leur
souplesse et dans le cadre des principes religieux, pour suivre la réalité qui
est, comme nul ne peut indéniablement le nier, ni stagnante ni rigide.
Néanmoins, la faisabilité de ce développement nécessite la compréhension des
profonds buts que les textes, utilisés comme références, nous demandent d’atteindre. Par conséquent,
cette application requiert un esprit novateur et des moyens d’«Ijtihad »
(ÇáÇÌÊåÇÏ).
Il est
toutefois malheureux de constater que
l’enfermement et l’endurcissement subis par les musulmans durant les
derniers siècles n’ont pas permis la
pratique de ce processus qui aurait dû prendre place de façon continue, suivant
les changements de la réalité.
!!!
La valeur
de la raison, toujours liée en Islam au cœur, n’est ignorée de personne. En
effet, c’est avec la raison que la personne humaine devient responsable et peut
être jugée, tant qu’elle lui permet de distinguer entre l’utile et le nuisible,
le bon et le mauvais, le bien et le mal, le permis et le défendu. Se basant sur
cela, tous les comportements, aussi bien que le choix de la conviction et de la
foi, viennent comme ceux des valeurs de conduite. Le jugement dernier et la
récompense arrivent par la suite, même si certaines théories non religieuses
lient l’ensemble de ces valeurs à la conscience exclusivement.
Le choix
ne se fait que par la liberté, autrement il devient une obligation. Cette
liberté signifie en premier lieu la liberté de volonté et de pensée, puis la
liberté d’action et du comportement, c’est à dire de la prise de responsabilité
dans cette action ou ce comportement, parce que sans liberté il n’y a pas de
responsabilité. La liberté est en effet un pilier de la croyance en Islam,
parce que cette religion est venue aux fins de libérer l’être humain de
l’esclavage dans ses différentes formules anciennes et modernes, à part celui
au Dieu unique.
Il
convient de relever que, comme l’Islam a donné une valeur particulière à
l’esprit, il a fait de même pour la science qui est, dans la perspective
islamique, développable, changeante, et croissante, à cause de son exposition à
l’omission et à l’addition, grâce aux découvertes de la raison et d’autres
sources de la connaissance.
De ce
fait, l’Islam a encouragé la science comme il a incité à son instruction, sans
la limiter strictement au côté religieux. Au contraire, l’Islam a ouvert la
science à tous les domaines touchant les intérêts de l’individu et de la vie.
Ce qui a poussé les premiers musulmans, lors de la prospérité de la culture et
de la civilisation islamiques, à s’investir à travers la traduction dans les
différents domaines scientifiques.
Notons
parmi ces domaines, la philosophie, la médecine, la pharmacologie, la physique,
en passant, entre autres, par la chimie, l’astronomie, les mathématiques et la
géographie : parallèlement à d’autres domaines littéraires et artistiques,
notamment la musique et le chant,
malgré certaines voix qui proclamaient l’interdiction de cet art et qui
continuent jusqu’à nos jours d’essayer de le prohiber. Les philosophes
musulmans, comme j’avais mentionné au début de cette étude, se sont même
investis dans la philosophie grecque, essayant de concilier entre ses théories
et la religion, dans le but d’‘islamiser’ ce genre de connaissances.
Cet
objectif est toujours recourant de nos jours, mais avec une mauvaise
compréhension qui mène à s’éloigner de la science en elle-même, « se
protégeant de son mal et évitant de se brûler par son feu ». C’est à
cela que prétendent certains extrémistes
qui ignorent que la science aide l’être humain à mieux maîtriser sa perception
de l’univers, à mieux connaître les phénomènes et les règles le contrôlant matériellement,
et sur lesquels la religion a appelé à méditer. La raison de cette fausse idée
est la mauvaise perception scientifique, la rigidité qui a limité les horizons
des sciences islamiques et leur stagnation qui a, à son tour, mené à se borner
dans ces sciences à la répétition, et à se limiter à expliquer et à commenter,
en s’éloignant le plus souvent de la critique. Cette auto-limitation n’a permis
ni le suivi dans la création d’une pensée islamique nouvelle, ni la
participation au développement scientifique universel, ou même à son
accompagnement.
L’‘Islamisation’ de la science exige évidement
sa connaissance, son absorption, son assimilation et la compréhension de ses
réalités pour conclure ce qui peut en être utilisé et introduit dans le domaine
de la production scientifique. Dans tous les cas, ceci ne veut pas dire qu’il y
a une science qui doit être exclusive à l’Islam. Ceci est faux, et ce genre
d’attachement mène à la limitation. Cela veut plutôt dire qu’il faut voir la
science dans son développement constant à travers une perspective conciliatrice
entre le penchant spirituel et religieux des musulmans et les valeurs ancrées
auxquelles ils s’accrochent, tout en maintenant la possibilité de prendre
position même avec un rejet complet ou partiel. Je prendrai comme exemple ici
le sujet des déviations du clonage et de l’ingénierie génie génétique. Cette prise de position est certainement un
plein droit auquel personne ne peut s’opposer. D’ailleurs, il n’est pas
spécifique aux musulmans, car d’autres
religions et différents préceptes ont exprimée cette même position.
L’incitation
et l’encouragement à l’apprentissage de la science, quelle que soit sa source,
pour en tirer avantage avec raison et distinction, nécessite de trouver un lien
interactif entre soi-même et l’autre. Ce lien doit se baser sur l’exploration
et la connaissance de ses constituantes, dans le but d’en déduire leurs
réalités, leurs spécificités particulières, et d’être capable par la suite de
former un nouveau produit qui se caractérise, ou qui est supposé se
caractériser, par la nouveauté et la créativité dans son sens et sa structure,
sans jamais abandonner le lien permettant cette communication.
En
valorisant ainsi la raison et la science, l’Islam discerne parallèlement des
penchants humains et des exigences individuelles auxquelles il répond, alors
que la science ou la raison ne peuvent pas le faire, car ces besoins sont liés
à l’âme, à la conscience, au sentiment, à l’instinct, et à d’autres facultés.
Ceci fait que la raison est en relation permanente avec le cœur, comme je l’ai
déjà expliqué. c’est à dire dans le sens général du cœur, et avec une position
modérée. Cette modération de l’Islam ne se voit pas uniquement dans les cultes
et la conduite, mais aussi dans sa position conciliatrice vis-à-vis de ce qui
est considéré, d’un concept islamique, comme opposé ou contrasté tels que le
réaliste en relation avec l’idéal ou le miraculeux, et le concret ou le
matériel en opposition avec l’abstrait et l’au-delà. Tous ces éléments
contrastés représentent une analogie entre une pensée humaine découlant de la
terre, en comparaison avec la croyance religieuse provenant du ciel.
La
manifestation de ces tendances apparaît dans les réponses que l’Islam donne à
des aspects abstraits et merveilleux dans l’univers, dont le sujet reste
compliqué, épineux, et ne menant à aucune réponse définitive et convaincante.
Ceci est le cas même si celle-ci est sollicitée par les moyens de la raison et
les mécanismes de l’objectivité des théories scientifiques et des perceptions
philosophiques. Cependant, cette confusion ne tarde pas à se clarifier et à se
calmer dans le cœur des croyants par des explications faciles, la remplaçant
par un sentiment d’extase et de bonheur. La laïcité, qui reconnaît la religion
dans son aspect individuel, finira à cette même solution, et s’accordera
harmonieusement avec la religion dans ce sens.
!!!
La
religion, qui est ici l’Islam, est généralement considérée comme un élément
principal parmi les composantes de l’identité, de l’individu et de la société,
de même que l’environnement, la langue et la culture, si elle n’y est le
facteur le plus affluent et adaptateur. Devant le développement qu’ont connu
ces composantes tout au long de l’histoire, et qui connaît aujourd’hui un
rebondissement particulier, il semble que la dimension de la religion ne suit
pas ce développement, encore moins qu’elle y soit conductrice. La raison pour
cela est la stagnation dont la pensée religieuse contemporaine souffre, résultant
de son isolement – ou plutôt de son écartement- durant les périodes de
décadence et de déclin depuis que les portes de l’Ijtihad
ont été fermées.
Le fikh
prêt est devenu une référence incontournable qui ne doit donc être qu’accepté
tel quel, au lieu d’être-parallèlement à son aspect référentiel- un sujet de
méditation, de recherche et de nouvelle vision pour l’enrichir et le
renouveler. C’est ainsi que ce fikh s’est fait copier et répéter, loin
du fikh de la réalité, valorisant les intérêts selon les objectifs de la
loi divine. Par conséquent, il est devenu incapable de répondre à plusieurs
questions vitales de la période vécue. Sa stagnante littéralité ne facilite pas
la réponse aux attentes et aux ambitions de développement des sociétés
islamiques. Elle n’agit pas non plus en concordance avec le mouvement de ces
sociétés et des mécanismes qui l’influencent.
Ceci est un obstacle majeur qui ne serait jamais
surmonté sans le retour aux textes pour une nouvelle lecture, et une
interprétation permettant – sans oppression- leur harmonisation avec les
nécessités concrètes. Cette lecture devrait aussi aider à trouver des solutions
convenables aux problèmes de la réalité politique, économique, sociale et
culturelle. Ce qui rend ceux qui sont responsables de cette lecture aptes à
confronter toutes les pressions et les conflits opposants qui souhaitent, par
ignorance, le maintien de la situation de faiblesse et de stagnation avec
fanatisme et extrémisme. Ceci conduit à l’impossibilité de l’application
correcte de la religion, et au
non-investissement des préceptes et des valeurs de la religion dans la vie en
général.
Parmi les éléments de la vie, si ce n’est la plus
importante d’entre elles, vient la possibilité de s’intégrer parfaitement dans
les secteurs politiques et économiques qui fourmillent d’idées, de théories, et
de mouvements. Certains de ces mouvements ne nient pas l’exécration de la
religion, non comme une foi mais comme un facteur qui doit avoir un rôle à
jouer aussi bien dans la vie privée que publique, avec la possibilité
d’intégration dans l’action de la ‘modernisation’. En effet, toute société a sa
part dans cette action qui est, dans sa signification terminologique générale,
un aspect temporel presque irréversible, quel que soit son niveau, et qu’elles
que soient ses chances de se développer.
Ce n’est
pas sur cette signification que je me penche, car j’entends plutôt la
modernisation dans une dimension illuminatrice qui donne à la personne une
place honorifique et distinguée dans l’univers, de part sa raison, sa
connaissance, sa capacité à choisir pour son bien et celui de l’univers, comme
le prêche la modernisation occidentale. Il est dommage que cette modernisation
à laquelle aspirent les musulmans et l’ensemble des peuples du tiers-monde ne
soit pas encore comprise dans son essence et dans le contexte où elle a fait
son apparition et s’est développée. Cependant, il est en effet déplorable
qu’elle leur est parvenue en accompagnant l’impérialisme et le colonialisme,
parallèlement à son lien à des crises qui se sont associées aux inconvénients
de la mondialisation et des déviations technologiques. Les occidentaux
eux-mêmes se sont exprimés sur ces crises, que ce soit concernant le
matérialisme sauvage, ou concernant ses moeurs, insistant –loin des valeurs-
sur l’individualisme qui menace l’humanité entière.
C’est une
situation qui s’est en l’occurrence manifestée par la guerre dévastatrice des
Etats-Unis d’Amérique, en coalition avec la Grande Bretagne et d’autres pays
alliés, contre L’Irak. Cette guerre s’est déclenchée à partir d’un intégrisme
sioniste et chrétien, dans le but de protéger Israël et d’en faire la plus
grande puissance dans la région, et
aussi afin d’être les seuls à profiter des ressources pétrolières, même si c’est sous prétexte de
libérer l’Irak d’un régime corrompu et d’y établir un autre bâti sur la
démocratie.
Mais de
quelle démocratie s’agit-il ? Il va sans dire que la démocratie -comme la
modernisation- n’est pas une marchandise à exporter ou à importer. Alors qu’en
est-il si elle est imposée par des armées envahissantes ! Elle se réalise
plutôt à travers le choix populaire émanant de la conviction et la faisabilité.
En d’autres termes, elle doit émaner de la société qui en est apte et
désireuse. Elle doit répondre à ces aspirations et s’accorder avec sa
disponibilité intellectuelle, mentale et psychologique.
Il est
décevant que cet acte provienne des Etats-Unis d’Amérique, pays qui est supposé
être un ami des arabes et des musulmans, de part leurs intérêts communs, et du
fait qu’il n’a pas avec eux de passé colonial qui trouble la limpidité de l’histoire et des relations.
Ce qui rend le problème de la modernisation, en fin de
compte, plus profond que la simple invitation à intégrer cette modernisation
ainsi que ce qui en suit. Il exige la connaissance de ses conditions, de ses
facteurs, et de ses mécanismes à travers l’étude et la critique, afin de
distinguer entre le convenable et l’inopportun, et d’adapter ce convenable aux
données individuelles, sans opposition, contradiction, ou confrontation. Il
apparaît clairement néanmoins que l’Occident ne semble pas vouloir aider les
assoiffés de modernisation, afin qu’ils restent de simples consommateurs et non
des producteurs au sein de cette modernisation.
Il se pourrait même que la raison profonde pour ce manque de volonté d’assister
soit la différence culturelle, et religieuse plus particulièrement.
Je ne sais
pas ce qui empêche la modernisation dans n’importe quelle société -y compris
les conditions de cette modernisation, les moyens d’y accéder, le développement
qui l’accompagne et les valeurs civilisatrices et humaines qui s’y associent-
de coexister avec des particularités culturelles, religieuses ou autres,
auxquelles cette société est intimement liée et desquelles elle est extrêmement
fière. Ces spécificités pourraient, en fait,
être le stimulant pour accomplir le progrès auquel cette société aspire.
Il ressort
que plus une telle coexistence s’appuie sur une homogénéité, plus les
conditions de critique et de correction pour plus de développement et pour un
meilleur changement deviennent faciles. Avant cela, la possibilité d’accepter
ces conditions avec toutes leurs modalités, leurs moyens et leurs mécanismes
s’avère déterminante. Ceci ne se facilite que par une mentalité les acceptant,
ou prête à les accepter, par la volonté, la flexibilité et l’ouverture d’esprit
qui accompagnent ou découlent de cette mentalité ; et ce dans le but d’une
harmonisation précise, sans raccommodage et sans syncrétisme, et avec un
souhait de communiquer et d’échanger avec l’autre, loin de tout esprit de
fanatisme, d’enfermement et de rejet qui
risquent de se produire des deux côtés.
La véritable réalité pratique de certains régimes arabes et islamiques actuels, notamment dans le domaine politique, démontre que à part quelques cas limités, et en l’occurrence le Maroc qui maintient depuis treize siècles Imarat Al Mouminine (ÅãÇÑÉ ÇáãÄãäíä)(l’institution du Commandeur des croyants) conditionnée par la Baïâ (ÇáÈíÚÉ)qui est renforcée par la constitution, un grand nombre de ces régimes dévoilent leur tendance laïque ou un penchant vers un mélange entre cette tendance et la religion. Ceci n’empêche pas de noter le phénomène de coexistence ou de contraste qui apparaît dans la pensée théorique que suivent ces régimes ou derrières laquelle ils se cachent, et qui est souvent liée à la religion. Cette situation confirme un penchant conciliateur avec le mouvement laïc, si ce n’est un entraînement par ce dernier, quelle que soit la clarté ou l’opacité de ce mouvement, et quelle que soit son acceptation ou son rejet.
Il s’avère
que la recherche de la cause de cette réalité est extrêmement ardue et
complexe, de par son association à des données historiques, culturelles et
sociales, qu’elles soient locales ou importées, infiltrées quelques fois et
imposées d’autres fois. Ce qui oblige les différents partis concernés à faire
preuve de beaucoup d’analyse, et de réflexion pour en être persuadés et
convaincus, ou pour la rejeter et l’éloigner, en recherchant un substitut
convenable. S’ajoute à cela tout ce que
nécessite cette dernière position, non seulement pour gérer les affaires
internes dans le cadre d’un Etat organisé, moderne dans son aspect traditionnel
et contemporain, mais aussi pour s’en servir dans le comportement avec l’autre
qui suit un mode diffèrent qu’il veut imposer.
Si la
laïcité a ses justifications dans une société où différentes confessions
coexistent, il n’est pas de même pour la société d’un pays comme le Maroc. Il
est connu que le Maroc est une société
islamique avec une minorité juive qui ne dépasse plus les quelques milliers et
dont les droits sont préservés. Il est aussi supposé qu’il n’y ait pas un seul
marocain chrétien, même s’il semble que l’évangélisation commence à apparaître
à travers des cas de conversion au christianisme -qui augmenterait-, à cause de
l’absence d’une éducation islamique cohérente, et d’une situation culturelle, informationnelle
et sociale qui incite à la révolte contre soi-même et contre les valeurs3. De plus, il est important de signaler
que l’identité islamique du Maroc est communément admise par toutes les
catégories sociales et les différentes institutions.
Tant qu’il
est nécessaire pour choisir de s’appuyer sur l’étude et l’analyse, surtout dans
une réalité déséquilibrée, pleine de contradictions et de paradoxes bizarres,
il est inacceptable d’assigner ce choix, même au nom d’une doctrine ou d’un
mouvement qui se voit le plus fort ou le meilleur. Et de là, il aspire à
contrôler autrui par l’assujettissement et le despotisme, à partir d’idées
préconçues, en prenant avantage d’une période de faiblesse par laquelle passe
l’autre, comme c’est le cas aujourd’hui pour les pays islamiques.
Néanmoins,
et malgré le fait que ces pays affrontent de nombreux défis, des méfaits
desquelles ils souffrent intérieurement et extérieurement, et dans le but
ultime de les relever, ils se doivent de fournir les efforts nécessaires pour
surmonter ces difficultés et ces inconvénients. Ceci nécessite l’activation du
mécanisme de la religion dans la vie publique, en commençant par remédier à la
négligence de la sensibilisation islamique,
la marginalisation des théologiens (ÇáÚáãÇÁ) (ouléma),
le sous développement des institutions, et l’incapacité de développer la pensée
islamique, surtout dans les questions politiques et économiques.
Afin
d’affronter ses inconvénients, il est vrai qu’il faudrait méditer sur les
récidives historiques qui alourdissent le fardeau des musulmans, les
démotivent, les découragent et empêchent leur bonne conduite avec la religion
et le patrimoine. Elles les laissent par conséquent souffrir d’un conflit
existentiel interne qui s’aggrave par le conflit avec l’autre, sans oublier
leurs différends déchirants et le fait qu’ils soient accusés de terrorisme et
d’extrémisme.
Cette
triste réalité ferme les horizons, anéantit les potentiels, et mène à une
situation qui ne permet pas d’aboutir à l’essence de la religion pour parvenir
à une meilleur compréhension de ses buts et de ses objectifs, sans stagnation
sur la littéralité des Textes. Ceci ne permet pas de trouver un discours
islamique réel, modéré, posé, ouvert, et renouvelable. Si ce discours se concrétise,
et s’il devient possible de le communiquer, il serait alors faisable d’éloigner le langage de l’extrémisme et du
terrorisme qui hante l’Occident et ses mass-media. Il permettrait avant cela la
création d’un modèle islamique capable, par son bon sens et sa capacité à
convaincre, d’arrêter l’infiltration de tout mouvement qui croit que ces
conditions difficiles lui permettent de se propager, ou qu’elles facilitent son
adaptation.
La
pression de cette réalité, avec ses défis successifs, et malgré tous les facteurs de dérangement qui
l’accompagnent, mènera à créer une nouvelle conscience. Celle-ci sera sans
doute enrichie par les multiples efforts fournis par les minorités musulmanes
qui vivent attachées à leur religion dans des pays développés comme la France.
!!!
Je
souhaiterais ici rappeler ce que j’ai déjà mentionné au début de cette étude,
pour ce qui est de la flexibilité des règles du ‘fikh’ (ÇáÝÞå) islamique, du fait
qu’elles sont, dans les limites de leur souplesse, aptes à s’adapter au moment,
au lieu, et à la réalité sociale changeante. Je voudrais aussi rappeler ce que
j’ai déjà élaboré concernant la tolérance de l’Islam, et sa coexistence avec ce qui lui est différent. Cet élément se
manifeste par différents phénomènes, dont les plus importants sont la liberté
de la religion et sa pluralité dans les sociétés islamiques, dans lesquelles
les non-musulmans représentent une minorité.
A la
lumière de ce rappel, il est possible de concevoir la situation contraire où
les musulmans sont minoritaires dans une société non islamique, comme c’est le
cas pour la France dont la constitution précise dans son premier Article que la
France est une république ‘laïque, démocratique et sociale’, qu’elle assure l’égalité devant la loi à tous
les citoyens, ‘sans distinction d’origine, de race, ou de religion’, et
qu’elle ‘respecte toutes les croyances’.
Je peux,
de prime abord, noter que puisqu’il est permis à cette minorité de pratiquer
solennellement les préceptes de sa religion dans ces pays, le chemin est déjà
préparé pour surmonter tous les obstacles, et résoudre tous les problèmes de
pratique qui sont liés à l’organisation et aux moyens.
Le premier malentendu à
clarifier est celui du terme donné par les théologiens ÇáÚáãÇÁ)) (Oulémas)
aux pays non-islamiques, en les
désignant de ‘dar al harb’ ( (ÏÇÑ ÇáÍÑÈ(lieu\maison de
guerre), terme opposé à ‘dar al Islam’ ( (ÏÇÑ ÇáÅÓáÇã(lieu\maison de
l’Islam) par lequel ils signifient le pays des musulmans, même si la
notion de ‘Maison de Guerre’ est devenue intervertie dans la conjoncture
actuelle.
Malgré le fait que l’occasion
ne me permet pas de m’étaler sur cette question dont personne n’ignore
l’origine historique, je peux quand même confirmer qu’il n’est plus question
aujourd’hui d’utiliser le terme ‘dar al harb’((ÏÇÑ ÇáÍÑÈ (lieu\maison
de guerre) pour différentes raisons. Je me limite à en citer trois : La
première est que le principe de la relation des musulmans avec autrui est basé
sur la paix. La deuxième est que l’Islam n’est pas en guerre contre cette
‘Maison’, malgré les souffrances apparentes des musulmans. Le troisième
argument est qu’il est permis au musulmans, qu’ils soient citoyens ou simples
immigrés, d’y pratiquer publiquement leur religion. Dans le cadre de certaines
limites, toutes les conditions de cette pratique leur sont facilitées, malgré
le choix laïc du pays hôte permettant une coexistence avec la religion de la
majorité et celles des autres minorités religieuses.
Je pense même que quand le
système laïc est dominant dans le pays d’adoption, il est supposé ouvrir un espace assez
tolérant pour la cohabitation et
la connaissance mutuelle au sein de ce système de nombreuses croyances, par la
séparation entre la religion et l’état, et en considérant la religion un choix
personnel. Ceci s’effectue sans fanatisme ni rejet, notamment pour les
musulmans qui souffrent aujourd’hui du conflit qu’ils confrontent avec des
partis qui sont hostiles à eux et à leur religion, cachés derrière des théories
sectaires ou d’autres croyances religieuses.
J’estime
que la pensée coexistante dans ce domaine est capable de se renforcer, surtout
quand le pays d’adoption constitue un symbole de développement civilisateur et
culturel et un centre de rayonnement illuminateur, comme c’est le cas pour la
France. De là, la pensée islamique se doit d’apprendre, non seulement de ces
dimensions de développement et d’illumination, mais aussi du contact positif
avec la pensée des autres religions qui partagent l’existence dans cet
environnement. Dans ce contexte, il faut également être réservé et prendre avec
vigilance et précaution quelques écrits publiés sur l’Islam et le Coran,
profitant de la liberté d’édition en France.
!!!
Le fait
que les musulmans pratiquent solennellement leur religion dans une situation
pareille, laisse à supposer qu’en principe ils ne sont victimes, - en tant que
citoyens ou immigrés- d’aucune situation hostile qui les empêche de pratiquer
leurs cultes religieux, ou qui porte atteinte
à leurs droits. Ceci est le cas, malgré la situation internationale
actuelle qui a poussé certains mouvements extrémistes à accuser l’Islam et les
musulmans de crimes terroristes perpétrés dans différentes régions du monde.
Dans le
cadre de cette solennité, et en son échange, les musulmans se doivent de tenir
à tous les aspects de facilité et de tolérance auxquels l’Islam a appelé, que
ce soit dans l’exercice des obligations, même en se basant sur les permissions
du fikh (ÇáÝÞå) et tout ce qui s’en suit
par nécessité, ou dans leur coexistence avec les pratiquants d’autres
religions. Cette conduite est surtout à suivre avec Ahl Al Kitab (Ãåá ÇáßÊÇÈ) (les gens du Livre, juifs et chrétiens)
puisque l’Islam permet de manger leur nourriture, d’épouser leurs femmes, et
d’entretenir avec eux toutes les transactions tant qu’elles ne sont pas en
flagrante et claire contradiction avec l’esprit de l’Islam et de ses sources.
Ceci est
un aspect de l’intégration sociale qui doit prendre place dans une insistance
pour l’adoption du juste milieu et de la modération de l’Islam, en s’éloignant
des points de vue isolés, et en évitant les positions controverses et extrêmes.
Cette attitude permettra de profiter, au mieux, de la liberté permettant
l’ouverture d’un dialogue permanent avec l’autre, dans la recherche de plus de
compréhension, en dépassant les différences et en effaçant ses récidives
négatives.
Ce
comportement les mènera sans doute à prendre en compte les systèmes locaux,
avec leur libéralisme, leur démocratie, leur pluralisme politique et religieux,
en respectant les nécessités de ces systèmes, et en essayant de trouver les
éléments d’entente et de coordination avec elles et avec ses lois, afin de
réaliser la vie commune dans la société, malgré les différences des croyances.
Ajoutons à cela le besoin pressant
d’adaptation avec les données de la civilisation au sein de laquelle ils vivent
et cueillent les fruits, sans oublier les liens forts entre les deux
civilisations : européenne et arabo-islamique, et le rôle que ces liens
ont joué dans la création de la civilisation Méditerranéenne. Aujourd’hui,
cette civilisation a grand besoin de
sauver l’humanité des causes de destruction qui la menacent.
Suivant
l’effort que les musulmans ont fourni tout au long de leur longue histoire afin
de coordonner –avec succès des fois et échec d’autres- entre la religion et les
nouveautés intellectuelles ou matérielles qui se succédaient, il est du devoir
des membres de la communauté musulmane, en France et ailleurs, d’essayer de
parvenir à cette coordination. Leurs
chances de réussir, à cause de ce qui a été mentionné précédemment, semblent
plus grandes et plus fortes que celles de leurs aïeuls. Ils doivent entreprendre
cette tache tout en éloignant toute pensée qui suscite ou mène à l’apparition
d’un ‘nouvel islam’, parce que l’Islam reste le même. Il n’est pas ancien ou
nouveau. C’est plutôt la pensée qui s’y associe qui l’est, c’est a dire la
pensée produite par les musulmans, et qu’il est grand leur besoin de la
renouveler!
Il est
indubitable que ce comportement conduira à éloigner toute idée ou tentative de
créer une entité islamique indépendante, c’est à dire un Etat au sein de
l’Etat. La conviction des Musulmans doit être que le but est de s’intégrer dans
cet Etat et non de s’en séparer ou s’en dissocier. La condition pour cela est
que cette tache soit faite avec affection et tolérance entre les diverses
composantes de la société, dans le cadre de la préservation de sa propre
identité, et en donnant de l’importance à la religion qui constitue le
principal et le plus actif élément de cette identité.
Pour
aboutir à cette fin, sans aucune déviation, il y aura un besoin pressant de
munir les minorités islamiques d’outils et de mécanismes nécessaires, à savoir
faciliter le pèlerinage aux lieux saints, résoudre les problèmes liés au Statut
Personnel, construire des mosquées, réserver des cimetières et des abattoirs
pour immoler selon les rites ‘Halal’(ÍáÇá). Il est aussi important de
maintenir des lieux de rassemblement et d’éducation qui facilitent
l’apprentissage de la langue du Saint Coran, qui est l’Arabe, et des préceptes
islamiques. Ceci permettera la communication des musulmans entre eux et avec les
autres. Il est également nécessaire de
créer des bibliothèques où seront disposés des livres et d’autres moyens
modernes. Il en est de même pour l’octroi de la permission de se réunir et
d’organiser des activités religieuses, scientifiques et artistiques. J’ajoute à
cela l’intégration dans l’enseignement public qui est le seul moyen apte à
réaliser la citoyenneté et de préserver les intérêts,. Notons que cette
intégration n’est pas en contradiction avec l’aboutissement à une version
administrative conciliatrice entre les procédures concernant le Statut
Personnel selon les préceptes islamiques, et les nécessités de la condition
civile et de ces lois locales. Ce faisant, Je rappelle que le Maroc et la
France ont déjà signé une convention à ce sujet en 1981.
En effet,
la réalisation de ces objectifs nécessite la formation de cadres et leur
préparation à gérer ces lieux et ces activités, tout en cherchant les moyens de
financement. Ce financement doit être assuré, soit par la communauté, par
l’Etat hôte auquel incombe effectivement une responsabilité organisationnelle,
ou par le pays d’origine qui ne doit en aucun cas délaisser ses responsabilités
dans tout cela. L’intérêt de ce dernier ne doit pas se limiter uniquement aux
virements financiers de ses ressortissants, ou à une période particulière comme
celle de leur retour pour passer leurs vacances, ou à envoyer des prédicateurs
et des prêcheurs au courant du mois sacré du Ramadan.
Il est
connu que toute négligence dans ce domaine ouvre le terrain à d’autres partis
étrangers qui ne tardent pas à offrir l’aide, à condition de faire adapter des
idées et des principes qu’ils font circuler, et qui poussent à l’agitation, si
ce n’est à prendre des positions malsaines.
Tout ceci
dépend dans son ensemble du type de système que suit le pays d’adaptation dans
son comportement avec la communauté musulmane que se soit avec un patronage
direct ou autre. Comme beaucoup d’autres problèmes, ceci dépend de la nature
des relations et des accords entre le pays hôte et les pays d’origine des
membres de cette communauté. La tâche devient plus facile quand cette
communauté parait capable de s’organiser elle-même. Toujours est-il que de tels
objectifs ne peuvent pas se réaliser sans que ses membres ne se détachent des
conflits entre eux. Ils doivent en effet surmonter les différends sectaires et
politiques que vivent les musulmans dans leurs pays d’origine. Ils empêcheront,
dans ce cas, toute intervention étrangère, ou au moins minimiseront ses dégâts.
Une telle
organisation les occupera également, non seulement par les questions et
affaires de la religion, mais aussi par les sujets en relation avec la société
et l’intégration, à savoir la participation politique, l’adhésion à des
institutions et des organes producteurs, l’accès au monde des médias, et tout
ce qui mène à disposer de leurs droits et à faire leurs devoirs.
Il est
certain qu’il y a dans la réalité et dans la pratique de nombreuses difficultés
qui ont poussé le gouvernement français, à travers son Ministère de
l’Intérieur, à œuvrer pour trouver un système central pour la religion en
France, et créer un ‘Conseil Français du Culte Musulman’ qui est élu
avec ses instances régionales, en coordination avec les grands centres islamiques oeuvrant dans
ce domaine. Cette institution réussira si elle aboutit à un cadre convenable de
bonne coordination entre les exigences religieuses et les nécessités de la
nature de l’Etat. Ce dernier, de part sa laïcité constitutionnelle, ne doit pas
se mêler de la religion, tant qu’aucun changement ne touche la Constitution à
ce sujet, ce qui donnerait aux musulmans une
autre situation. Je pense que je n’ai pas besoin de mentionner que les
marocains jouissant de la nationalité française –ou toute autre nationalité
étrangère- ne perdent pas leur nationalité d’origine. Ceci incite à respecter
leur citoyenneté marocaine avec toutes ses composantes, dont la religion est la
plus importante. Ainsi se renforce la relation étroite qu’ils maintiennent avec
l’autorité religieuse suprême que représente l’Institution du Commandeur des
Croyants Imarat Al Mouminine (ÅãÇÑÉ ÇáãÄãäíä).
Toutefois,
je dois rappeler dans ce contexte que la difficulté s’accroît quand il s’agit
des membres de la troisième génération. Ayant la nationalité du pays hôte, et
se considérant citoyens à part entière,
ils aspirent à une intégration complète, tout en tenant à leur identité culturelle et exigeant
qu’elle leur soit reconnue.
En
conclusion, il me semble qu’il n’est pas difficile pour un pays laïc ami des
pays islamiques, comme la France, de chercher, ou d’aider à chercher, la
méthode idéale et réussie d’intégrer les musulmans dans une société à
l’édification de laquelle ils participent, par leur nombre et par leurs
qualifications.
!!!
1 Il est à noter que
certains dictionnaires anglais traduisent le terme français laïcité par Secularism,
alors que d’autres-les plus élaborés surtout, le traduisent par laicism
tout en mentionnant le terme Secularism.
2 Voir l’étude de l’auteur : “
La place du sacré dans la
culture contemporaine’ publiée
par l’ISESCO en Arabe, en Français et en Anglais (1424H, 2003)
3 Sur ce
phénomène, l’auteur a consacré un chapitre dans son étude manuscrite : ‘la
réalité islamique au Maroc’